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Le blog de Stephen Monod
5 mars 2015

Des barbares et des dieux

La seconde moitié du siècle dernier se définissait par rapport au politique. Dans les années 1960 et 1970, il venait à l’esprit de très peu, de se définir au regard d’une appartenance confessionnelle. Celle-ci pouvait être un héritage ou une conviction, une appellation lointaine ou une pratique mais elle était rarement un marqueur.

Le clivage politique pouvait être violent. Il opposait à des degrés divers ceux qui pensaient ériger une cité socialiste et ceux qui y voyaient une réplique du modèle soviétique. Entre extrêmes, le clivage était nourri du présent et du passé plus ou moins lointain et certains préparaient le grand soir à la lumière exaltée d’anciens récits ou d’événements du tiers-monde. Le clivage se répliquait peu ou prou à l’échelle du monde entre pays d’obédience socialiste et pays d’obédience occidentale.

Le religieux semblait lentement disparaître. En France, à défaut d’être ouvrier, un prêtre était suspect. Dans l’Egypte nassérienne ou dans l’Iran du Shah, l’exigence de modernité faisait perdre le voile comme dans la Turquie d’Atatürk sans que ces laïcités là puissent se confondre avec la démocratie et les droits de l’homme.

C’est dans ce contexte que Malraux prophétisait pour le XXIème siècle le retour des dieux sous la forme d’une spiritualité qui aurait été aussi nouvelle que le christianisme l’avait été pour les religions antiques. Les dieux sont effectivement de retour mais leur retour s’accompagne de celui des barbares ce qui ne veut pas dire que le retour de la barbarie épuise le retour du religieux. La première manifestation culturelle de l’obscurantisme fut la destruction par les talibans des statues gréco-bouddhistes d’Afghanistan, celles-là même à propos desquelles, cruelle ironie du destin, Malraux écrivait dans les Voies du Silence (II Les Métamorphoses d’Apollon) que “L’esprit grec mettait au service du bouddhisme son talent de représentation, animait – pour la première fois semble-t-il – les scènes de la vie du sage, remplaçait par l’image de celui-ci le siège vide qui avait symbolisé jusque là l’Illumination.“

Et maintenant que peut-il être fait pour empêcher que le retour du religieux ne se confonde définitivement avec celui de la barbarie ?

Considérons tout d’abord que la génération au pouvoir est intellectuellement désarmée car elle est confrontée à un phénomène étranger à sa formation et à sa culture. Les théories qui avaient cours quand les responsables d’aujourd’hui avaient vingt ans étaient celles de la libération et à cet égard, les générations montantes ont tort de faire le procès de celles du baby-boom car si la vie leur fut peut-être moins dure, elles en ont profité pour faire tomber beaucoup de murs invisibles de la contrainte sociale. Mais justement comment après avoir vu éclore les mini-jupes, la contraception, la mixité de l’enseignement, comprendre des jeunes filles qui se voilent et des hommes qui injurient ou menacent celles qui ne le font pas ? Comment après avoir voulu interdire d’interdire, comprendre ceux pour qui l’existence serait une addition d’interdits ? En réalité la génération des années 68 et post 68 est aussi interdite devant ce qu’elle voit que ses parents l’étaient devant les barricades de la rue Gay-Lussac.

Ce constat d’incompréhension est facile à énoncer mais ne constitue pas même l’esquisse d’une solution laquelle est en fait simple à énoncer mais difficile à mettre en œuvre : l’école. Si le religieux est dans sa pratique un lavage de cerveau plus ou moins rugueux, c’est qu’il inculque aux enfants dès leur tout jeune âge, des idées totalement indémontrables en leur expliquant qu’il s’agit de vérités. Si le religieux dure c’est parce que tout autant qu’une métaphysique, il est une éthique, un corps de règles, morales ou supposées telles, ordonnançant à des degrés divers, la vie de celles et ceux qui les pratiquent. Si la société française veut conserver les valeurs qu’elle tient de la démocratie, elle doit apprendre à les transmettre comme les religions savent si bien le faire. Il ne sert à rien de fabriquer des services civils succédanés de services militaires, pour adultes déjà faits. Il est en revanche essentiel d’inculquer aux enfants, dès leur plus jeune âge, sans état d’âme et sans mollesse, les règles élémentaires qui sont le socle de la démocratie française, l’usage et l’écriture du français qui en sont le mode d’expression et l’histoire de la France qui en est le creuset sensoriel.

 

 

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Commentaires
G
Parmi les règles élémentaires républicaines à enseigner aux élèves, il y a l'égalité entre les femmes et les hommes, le respect, et la LAICITE qui permet la libre conscience, c'est à dire, le droit de croire ou de ne pas croire et qui permet à toutes les religions de vivre ensemble sur le socle républicain. C'est ce qui fonde notre démocratie. Ces éléments ne sont pas discutables.
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