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Le blog de Stephen Monod
25 septembre 2014

De la mortalité des nations

L’émergence d’un nationalisme écossais doit bien davantage à l’actualité récente qu’au passé lointain.

L’histoire croisée de l’Ecosse et de l’Angleterre est depuis son origine, ambiguë, faite de liens se nouant et se dénouant, entre familles régnantes, entre familles nobles et entre familles tout court, entrecoupée de guerres et de paix. Au XVIème siècle, la France alliée traditionnelle de l’Ecosse finit par lasser par sa trop grande présence. La Réforme religieuse qui s’imposa, différemment certes mais s’imposa quand même dans les deux pays, les rapprocha jusqu’à l’Acte d’Union de 1707. Celui-ci fut un traité voté par les parlements des deux nations hors de toute pression militaire même si nombre de parlementaires écossais bénéficièrent des largesses du Trésor anglais et même si l’opinion publique écossaise était majoritairement hostile à l’union. Les années qui suivirent furent marquées de troubles mais après l’aventure du dernier Stuart débarqué en 1745 pour réclamer son trône, l’Ecosse fut bien partie prenante de la Grande Bretagne, payant volontairement et au-delà de son poids démographique l’impôt du sang et lui donnant bon nombre de ses dirigeants politiques les plus éminents dont récemment Tony Blair et Gordon Brown. Le XXème siècle finissant a quasiment réinventé sinon le sentiment national écossais du moins son expression politique largement disparue.

Comprendre comment ce mouvement a pu naître et arriver aux portes de la réussite n’intéresse pas seulement le Royaume Uni car cette évolution interroge sur la déconstruction des modèles nationaux européens fabriqués le long des siècles.

L’acte fondateur de l’identité écossaise, même si ses contemporains n’en ont sans doute pas eu conscience, est d’avoir résisté aux Romains et arrêté la progression de ces derniers. La logique qui a plus tard présidé à la construction du Royaume Uni, était commune à toutes les constructions nationales européennes, celles du contrôle par le pouvoir dominant de l’ensemble géographique dans lequel il était placé. Cette prise de contrôle se faisait principalement par la conquête militaire mais pouvait aussi se faire par des arrangements matrimoniaux ou encore comme dans le cas de l’Angleterre et de l’Ecosse par la voie d’un traité.

Cette combinaison du besoin sécuritaire et de la capacité militaire de l’imposer, n’existe plus aujourd’hui en Europe. La seconde guerre mondiale, la construction européenne, le traité de l’Atlantique Nord et la disparition du Pacte de Varsovie, ont mis fin aux risques sérieux de guerre entre nations européennes et ont conduit celles-ci à envisager leurs actions de politique étrangère dans le cadre de coalitions nouées entre elles et avec les Etats-Unis.

Au demeurant et en termes éthiques, on imagine mal un pays européen faisant rouler ses chars dans l’une de ses contrées, tentée par une sécession démocratique et sans intervention étrangère. Ainsi chaque entité géographique, accrochée ou non au souvenir d’une histoire réelle, imaginaire ou mélangée des deux, peut se mettre à rêver d’indépendance, confiante au demeurant que l’Union européenne et les alliances militaires, bonnes mères, ne les laisseraient pas seules en cas de difficulté. Les constructions nationales ne tenant plus par le ciment de la crainte et de la nécessité, seul le sentiment d’un destin commun et l’envie de le partager pourront à l’avenir les conserver.

Comme le Royaume Uni a pu le constater, chaque nation européenne peut mourir de ne plus s’aimer.

 

 

 

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