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Le blog de Stephen Monod
5 janvier 2017

De l’un des deux

Dans un ménage à trois il faut être l’un des deux, disait Bismarck. Nul ne sait ce que Monsieur Trump connaît de Bismarck mais nolens volens il pourrait en être le disciple. Bipolaire jusqu’en 1989, dominé par les Etats-Unis ensuite, le monde est devenu un ménage à trois : Etats-Unis, Chine et Russie.

Monsieur Trump a raison de ne pas vouloir demander l’autorisation de Pékin pour s’entretenir avec un dirigeant de Taiwan. Il a raison de s’inquiéter de l’annexion systématique par la Chine, de la mer du même nom. Il a raison de ne pas accepter la doctrine chinoise du pays unique. Il a raison de considérer que l’Empire du Milieu est le seul véritable rival des Etats-Unis. Monsieur Trump a aussi raison de comprendre que le temps du pouvoir unilatéral des Etats-Unis s’est achevé, sur un bilan au demeurant mitigé. La montée du phénomène religieux au Moyen-Orient, lequel déborde la dimension terroriste de l’islamisme, s’accompagne d’une rupture en profondeur avec l’Occident et donc avec les Etats-Unis. De même, si l’on excepte le Japon, Taiwan et la Corée du Sud, les alliances américaines en Asie du Sud-Est se révèlent fragiles ou du moins fragilisées par la Chine. Si la rivalité de l’Ours chinois et de la Baleine américaine devenait plus forte, ce serait un jeu que les Etats-Unis ne pourront ni ne voudront jouer seuls.

Dans le passé, les Etats-Unis se tournaient vers les Européens et ne craignaient de rivaliser à la fois avec la Chine et la Russie. Désormais, l’Europe et les Etats qui la composent ont disparu dans une espèce de Triangle des Bermudes. Militairement, presque aucun pays de la vieille Europe ne consacre à l’effort militaire les moyens rendus nécessaires. Politiquement, l’Union Européenne a cessé d’exister pour autant qu’elle ne l’ait jamais fait, les forces centrifuges l’emportant sur les forces centripètes et le Brexit n’étant que la pointe avancée d’un sentiment qui a saisi le continent européen dans son ensemble.

Au contraire de l’Europe, la Russie serait pour les Etats-Unis un allié idéal car trop faible pour être un rival et suffisamment fort pour être un appoint d’envergure. Les faiblesses de la Russie sont légions. L’Union Soviétique avait perdu la guerre froide pour n’avoir pu atteindre une capacité militaire à ce point supérieure à celle des autres puissances qu’elle lui aurait permis de s’en servir et par une inexistence chronique dans les autres domaines. Monsieur Poutine place la Russie sur une trajectoire similaire, préférant jouer avec ses avions, ses bateaux et ses soldats que de bâtir une économie et sans que ses avions, bateaux et soldats soient de nature à véritablement inquiéter les Etats-Unis ou la Chine. A cet égard, le règlement de l‘affaire syrienne reste limité à un pays qui en toute hypothèse relevait de l’orbite russe et le lamentable succès d’Alep n’a été rendu possible que par le Hezbollah, les Iraniens et l’assèchement des rebelles par les Turcs. Si les faiblesses de la Russie l’empêchent d’être un premier, ses atouts peuvent en faire un brillant second : une superficie qui va de l’Europe à l’Asie, un peuple soumis au chef, un chef dépourvu de scrupules et une capacité de nouer des alliances avec les ennemis traditionnels de l’Occident comme l’Iran ou avec d’autres comme la Turquie.

Ne voulant pas être laissé seul face à la Chine et ne voulant a fortiori pas que celle-ci s’appuie sur la Russie, Monsieur Trump a fait le choix de l’alliance russe.

La question qui devrait tarauder les chancelleries européennes est de savoir ce que Monsieur Poutine recevra pour prix de son allégeance. L’abandon définitif de la Crimée et du Donbass est acquis. Qu’en sera-t-il des Etats Baltes ? Cent ans après le “Lafayette nous voilà“ du Général Pershing, qui marqua le début de l’engagement des Etats-Unis auprès des démocraties européennes, le risque est celui de son désengagement et de l’abandon de ses anciens amis à son nouveau vassal.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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