Du miroir aux alouettes
Il se raconte que lors de son séjour en France en 1717, Pierre le Grand recevant le Régent et s’impatientant d’un domestique un peu lent, l’aurait découpé dans le sens de la longueur, d’un trait de sabre. Tout Paris se serait esbaudi d’un caractère si bien trempé et d’une telle originalité, tranchant d’avec les mœurs ramollies du XVIIIème siècle commençant. Le récit est peut-être apocryphe mais il en dit long sur la fascination que les autocrates russes exercent en France à intervalles réguliers sur les esprits crédules.
C’est cette même fascination qui fit applaudir Alexandre Ier entrant à Paris en 1814 alors que ses armées étaient des troupes d’occupation et qui rendit populaire l’alliance russe du 17 août 1892 : le seul résultat concret de cette dernière fut de conduire la France dans la Grande Guerre parce que la Russie voulut empêcher l’Autriche-Hongrie de punir la Serbie du meurtre de l’Archiduc François-Ferdinand et de son épouse.
Plus récemment, un quart des français pleurèrent Staline comme s’il avait été leur père et la Vème République, surtout lorsque la droite est aux affaires, se trouve bien des Tsars de remplacement. Aujourd’hui, c’est l’ex-UMP presque au grand complet qui se bouscule pour astiquer les chausses de Monsieur Poutine, érigeant l’ex-agent du KGB en défenseur de l’Occident.
Devant une telle surenchère d’inconséquences, il n’est pas vain de rappeler que la Russie de Monsieur Poutine est aux antipodes des valeurs et des intérêts des pays européens.
La Russie de Monsieur Poutine n’est pas une démocratie. Certes, Monsieur Poutine est élu mais si l’élection est une condition nécessaire de la démocratie, elle n’en est pas une condition suffisante, se devant de respecter ce que l’on appelle couramment les Libertés Publiques.
La Russie de Monsieur Poutine ignore les droits de l’homme. La lutte contre daesch ne justifie pas le soutien sans faille apporté à Monsieur El Assad que ses crimes de guerre rendent passible des tribunaux.
La Russie de Monsieur Poutine est impérialiste. Certes, la Crimée était devenue ukrainienne par hasard et sa population est majoritairement russe mais c’est bien la force militaire qui a rattaché cette région à la Russie. De même, la politique russe en Ukraine est une claire intention de soumettre ce pays.
Enfin et s’agissant de la lutte contre daesch, les islamismes seraient aujourd’hui moindres si en son temps, Brejnev dont Monsieur Poutine est l’héritier, n’avait pas envahi l’Afghanistan et si Monsieur Poutine lui-même n’avait pas réduit la Tchétchénie à l’état de cendres.
L’attraction que la Russie exerce en France est celle du miroir qui attire les alouettes sous le feu des chasseurs.