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Le blog de Stephen Monod
24 décembre 2015

DU TROMPE L'OEIL

Du Trompe l’œil

 

Au tomber de rideau des élections régionales, le vase clos des partis établis, de la presse nationale, des radios et des télévisions, qui vit en apesanteur de la réalité, affichait un mélange du soulagement de ceux qui ont senti le vent du boulet et de la fausse gravité de ceux qui font semblant de savoir. Cette ambiguïté est la même depuis 2002, chacun forçant plus ou moins son talent de pénitent déguisé.

Une élection en démocratie est toujours la conséquence du suffrage universel et des règles de sa mise en œuvre, c’est-à-dire en l’espèce du scrutin à deux tours. Si le système électoral avait été celui du scrutin uninominal à un tour où le candidat élu est celui arrivé en tête, aujourd’hui le Front National dirigerait seul six régions sur douze. Si le système électoral avait été celui du suffrage proportionnel, le Front National aurait été le premier parti de ces six régions et celles-ci auraient été dirigées par une coalition implicite ou explicite de l’ex UMP et du Parti Socialiste.

En 1958, la cinquième République adopta la matrice d’une élection à deux tours parce que les constituants craignaient que le Parti Communiste ne remportât une élection à un tour et pensaient qu’il ne parviendrait pas à nouer des alliances lui permettant d’accéder au pouvoir à l’issue d’un second tour. Par effet domino, l’impossibilité d’alliance du Parti Communiste devait obliger la gauche non communiste à des accords avec le centre. En réalité, les partis de gauche pratiquèrent très vite le désistement réciproque et le talent politicien de Mitterrand leur imposa de s’unir, leur permettant d’accéder ensemble au pouvoir. Pour autant, au regard des principes, l’alliance du Parti Socialiste attaché à la démocratie parlementaire et du Parti Communiste soutien des régimes soviétiques, était une transgression, voilée par la posture libératrice qu’affectionnait le second et le souvenir de son engagement contre l’occupant à partir de 1941. De même, sur le plan économique, le programme commun ancrait le Parti Socialiste beaucoup plus à gauche que ne l’avait été l’ancienne SFIO sous la IVème République et sous la Vème République jusqu’au Congrès d’Epinay. Le caractère tactique de cette mutation apparut bien plus tard, lorsque réélu en 1988 mais dégagé de l’emprise du Parti Communiste, Mitterrand évita le ridicule de renationaliser ce que le gouvernement de Monsieur Chirac avait privatisé entre 1986 et 1988.

Aujourd’hui, le paysage politique est à front renversé de ce qu’il était en 1958. Le scrutin à deux tours empêche le Front National d’accéder au pouvoir à défaut pour celui-ci de pouvoir tisser des alliances et oblige l’ex UMP et les centristes à chercher implicitement ou explicitement des alliés de second tour à leur gauche à défaut de pouvoir en trouver à leur droite. Madame Kosciusko-Morizet a raison de dire, pour partie du moins, que Messieurs Bertrand et Estrosi sont des élus de gauche. A cet égard, le ni-ni de Monsieur Sarkozy est un habile déni de réalité car il permet à l’ex UMP de ne pas donner de voix au Parti Socialiste tout en faisant semblant d’ignorer que c’est ce dernier qui lui permet d’avoir des élus. Curieusement, cette difficulté n’est pas propre à la droite car si le Parti Socialiste peut encore passer des alliances sur sa gauche, il ne semble pas que cette aubaine puisse durer, tellement la politique du Gouvernement semble déplaire à la gauche de la gauche.

La réalité est que sur l’Europe, sur les engagements internationaux et plus généralement sur la vision du Monde, il y a moins de différence entre le Parti Socialiste, l’ex UMP et leurs supplétifs radicaux ou centristes qu’entre ceux-ci et leur flanc respectif et qu’une alliance entre cette droite et cette gauche leur permettrait sans doute de gouverner. Le risque serait alors de laisser au front National le monopole de l’opposition et de faire croître ses chances d’un jour gagner seul une élection, même à deux tours.

La défaite du Front National au second tour du scrutin régional fut un trompe l’œil, simple conséquence du mode de scrutin; la solution d’une alliance des partis modérés le serait peut-être aussi, prélude au séisme annoncé.

 

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