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Le blog de Stephen Monod
2 avril 2015

Du fer à cheval

Si Monsieur Valls avait interrogé le chef d’état major des armées Pierre de Villiers, celui-ci lui aurait rappelé un principe connu des militaires que l’on n’engage pas une bataille si l’on sait qu’elle est impossible à gagner.

Certes Monsieur Valls ne pouvait pas annuler les élections départementales. Il n’était cependant pas obligé de leur donner une résonnance nationale en transformant en referendum sur le Front National, un scrutin qui n’intéressait pas grand monde, à juste titre d’ailleurs si l’on considère que l’avenir des départements est incertain et les pouvoirs de leurs conseils illisibles.

Longtemps le pouvoir politique de premier rang s’est recruté à la sortie des grandes écoles permettant de retrouver dans les gouvernements une certaine forme d’intelligence et de culture que les envieux ne manquaient pas de critiquer. Depuis ce temps, une mutation s’est opérée par laquelle le militant a remplacé le bon élève : avoir marché de la République à la Bastille ou s’être agité dans des salles obscures en y applaudissant des chefs, est devenu le mode privilégié de sélection des gouvernants. La conséquence en est une appréhension presque simpliste des questions complexes et partant une difficulté à comprendre la montée du Front National.

La première complexité de l’extrême droite est sa convergence avec l’extrême gauche, les idées politiques ne s’alignant pas le long d’une ligne droite mais formant un fer à cheval où chaque extrême finit par se trouver très proche de l’autre.

En remontant dans l’histoire, fascisme, nazisme et communisme ont eu en commun de vouloir créer une société nouvelle en s’appuyant sur des forces dites nouvelles afin de faire in fine un homme nouveau. Mussolini fut socialiste, connut Lénine et si celui-ci le jugeait intellectuellement médiocre il ne le l’estimait pas infréquentable. L’idée socialiste fut même une composante du moins à ses débuts de l’idéologie nazie.

Aujourd’hui on retrouve chez Madame Le Pen et chez Monsieur Mélenchon la même fascination pour Monsieur Poutine c’est-à-dire pour un régime autoritaire, la même hostilité à l’égard des Etats-Unis et de son modèle qui reste celui d’une démocratie, le même repli sur soi qu’illustre l’opposition à l’Europe ou à toute intervention à l’étranger fût-elle pour défendre des valeurs que dans son histoire, la France a tenues pour universelles et la même prétention d’être seuls à défendre les plus fragiles comme si leur sort était indifférent aux autres. Le seul point de divergence entre les deux extrêmes est leur rapport aux citoyens, l’un privilégiant le citoyen ancien et l’autre le citoyen récent mais tous faisant une cible électorale de ceux-ci.

Si Monsieur Valls savait cela, s’il savait aussi que le Parti Socialiste est un parti pour l’essentiel, d’intellectuels vrais ou faux et de petits ou moyens bourgeois, et s’il savait encore que son électorat est taillé dans la même toile, il comprendrait que ni lui ni son parti n’ont la moindre aptitude à prévenir le vote en faveur du Front National. En effet, les électeurs de l’extrême droite sont tellement éloignés de ce que le Parti Socialiste peut représenter, que le discours de celui-ci ou du Premier Ministre à cet égard glisse sur eux comme l’eau sur une plume de canard.

En fait la seule digue à l’extension du Front National est la droite classique ou pour parler en termes contemporains l’UMP pour autant que celle-ci retrouve la consistance de l’ancien RPR. Il est vain de chercher pour qui votaient les électeurs du Front National avant qu’ils ne votent pour celui-ci. La seule vraie question est de savoir pourquoi ils vont jusqu’à ce parti extrémiste plutôt que de s’arrêter à l’UMP. La réponse est très simple : la fabrication de l’UMP par la fusion du RPR et de l’UDF a donné naissance à une chauve souris moitié oiseau moitié rat que l’électeur détaché de la gauche ne peut pas identifier. La droite classique doit s’allier avec le Centre mais en aucun cas se confondre avec lui sauf à cesser d’être l’endroit de l’échiquier politique où le goût de l’ordre peut exister sans se confondre avec l’oubli de la démocratie, où le sentiment cocardier peut prospérer sans dégénérer en repli sur soi et haine de l’autre et où la défense du fragile peut exister hors la gauche et hors l’extrême droite.

Le paysage politique est un espace fragile qui se compose et se décompose au fil des sensibilités et il faut davantage qu’une culture de parti pour le comprendre.

 

 

 

 

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