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Le blog de Stephen Monod
5 février 2015

De la trilogie des répétitions générales

L’Histoire se venge de ceux qui l’ignorent et comme elle n’est plus guère enseignée, elle aura à l’avenir, nombre d’occasions de se venger. Lénine avait dit de la révolution avortée de 1905 qu’elle était la répétition générale de celle qui lui semblait inéluctable et qui effectivement se produisit en 1917. On a les répétitions générales que l’on peut et l’élection du Doubs est peut-être la répétition générale du scrutin présidentiel de 2017. Les trois droites chères à René Rémond sont l’une de ces exceptions françaises que l’on ne rayera pas d’un trait de plume au prétexte que la France devrait être un pays européen comme les autres. Ces trois droites sont respectivement, celle du refus de la Révolution française traçant une ligne depuis cette époque jusqu’au Front National, celle issue de la geste bonapartiste et que de Gaulle a pu incarner, celle plus ou moins libérale conduisant des Girondins à Monsieur Giscard d’Estaing en passant par Louis-Philippe. Ces trois droites se sont affrontées pendant la guerre civile que fut la Révolution française et pendant ses prolongements des XIXème et XXème siècles. Elles ont pu s’allier selon les circonstances et les frontières entre elles n’ont jamais été étanches mais jamais elles ne se sont confondues. C’est cette réalité que Monsieur Chirac a cru pouvoir effacer en créant l’UMP, persuadé que la France devait être semblable à l’Allemagne et n’avoir qu’une seule droite. Mais comme les traditions bonapartistes et libérales sont irréductibles l’une à l’autre, l’UMP ne pouvait être le creuset d’une réunion mais seulement le champ clos dans lequel une tendance étoufferait l’autre. Bien que s’habillant des couleurs du RPR, l’UMP est devenue l’UDF alors même que le Front National entreprenait de se brosser une allure moins sinistre sous la houlette notamment de Monsieur Philippot toujours prompt à revendiquer son attachement gaulliste et à renvoyer les socialistes à la francisque de Mitterrand et au vote par certains d’entre eux des pleins pouvoirs à Pétain. Ainsi le Front National a pu ramasser l’électorat du RPR tout en conservant le sien, comme une mauvaise manière de Maurras à Péguy, pendant que l’UMP tombait à l’étiage électoral de l’ancienne UDF. Il ne reste plus à l’UMP que de renier son éthique pour devenir l’appoint du Front National ou de renier ses autres engagements pour devenir l’appoint du Parti Socialiste ou encore de refuser cet impossible dilemme et de disparaître dans les corbeilles à papiers de la petite Histoire.

L’Europe elle-même vit peut-être une autre répétition générale, en Grèce. On ne fait pas œuvre nouvelle sans le souffle de la passion. Les premiers européistes jusqu’à Monsieur Giscard d’Estaing et Mitterrand en France, Monsieur Schmidt et Monsieur Kohl en Allemagne, avaient avec la construction européenne, la relation émotionnelle d’une génération qui avait vu le continent s’entretuer. Leurs successeurs portent à l’Europe un regard de boutiquiers participant d’une mauvaise guilde où l’intérêt collectif se résume à un compromis permanent entre des intérêts individuels, dépourvus de tout sentiment d’un destin collectif. La logique de boutiquier conduit à un comportement de boutiquier et le pays de l’Union, en difficulté n’est plus le parent qu’il faut aider mais le membre défaillant qu’il faut corriger. Le comportement de boutiquier conduit à ne rien percevoir des peuples et de leurs sentiments. Le comportement de boutiquier conduit celles et ceux qui le subissent à la révolte. Aujourd’hui la Grèce, demain d’autres et si la logique n’est pas inversée, c’est l’idée même de l’Europe qui finira par se perdre dans les poubelles de l’Histoire.

Une répétition générale peut en cacher une autre et l‘Europe en vit peut-être une seconde en Ukraine. C’est toujours la logique de boutiquier qui fait croire aux dirigeants européens qu’en privant les russes de quelque argent, ils les ramèneront à la raison alors que ces russes pendant le siège de Leningrad, mangeaient la semelle de leurs souliers plutôt que de rompre …. Alors que l’Union Européenne a la même puissance économique que les Etats-Unis et que l’Ukraine voisine ne lui demande que des armes, c’est une nouvelle fois vers les Etats-Unis qu’un pays européen en détresse se tourne comme trois fois pendant le XXème siècle, lors des deux guerres mondiales et de la guerre civile dans l’ex-Yougoslavie. De sommets inutiles en déclarations solennelles, l’Europe contemple impuissante la répétition de ce que pourrait être son effacement de la scène internationale.

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