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Le blog de Stephen Monod
22 janvier 2015

De Charlie, de Dieu et de la France

Entre émotion et larmes, retenues ou pas, les foules du 11 janvier, silencieuses ou chantant la Marseillaise ont dit tout à la fois que le crime ne se justifiait pas, que la liberté ne se négociait pas et que la Nation était bien une et indivisible.

Pendant les journées tragiques il n’y eut pas de fautes, sauf celle de goût de Monsieur Sarkozy anxieux de paraître sur une photo et celles, douloureuses, des enfants de dix ans refusant le geste d’humanité le plus élémentaire, la minute de silence. Dans les deux cas, le comportement traduit l’incapacité de ressentir charnellement, le crime et l’atteinte portée à nos valeurs.

Il n’y a pas lieu de gloser sur ce que l’Islam permet ou pas en termes de représentation de Mahomet ou sur le caractère guerrier ou pas de cette religion. Il y a lieu de rappeler que le “tu ne tueras point“ hérité du Décalogue est la norme morale absolue et la pierre angulaire de toute société démocratique et qu’elle ne peut être transgressée que par nécessité et en principe par la force publique agissant dans le cadre de la loi. Il y a aussi lieu de dire que dans une démocratie, les lois sont établies par les représentants de la Nation et leur exécution est contrôlée par les juges. Nul ne saurait décider de la règle applicable à autrui ni a fortiori la lui imposer par la violence. Enfin, en France, il n’y a pas des communautés additionnées mais une communauté nationale.

Cela rappelé, il n’est pas inutile de s’interroger sur la place de Dieu et des religions dans la société française.

Pour Dieu en tant que tel, la place est impossible à trouver en raison de la définition même qu’en donnent les religions monothéistes. Celles-ci sont d’accord pour considérer que Dieu est éternel, invisible et tout puissant. Invisible, il ne peut ni comparaître ni donner mandat probant à qui que ce soit. Tout puissant, il n’a nul besoin des hommes pour faire valoir ses droits.

Pour les religions, la place existe car même si elles se veulent représentantes de Dieu, dépositaires de ses volontés et mystères, elles n’en sont pas moins des groupes humains marquant la morale et la culture des peuples et pays où elles prospèrent.

La place des religions en Occident et donc en France n’est pas une idée neuve issue de la loi de 1905 mais le fruit d’une lente évolution rendue possible par la mise à distance du politique et du religieux dès l’avènement du Christianisme. Jésus excluait le politique de son message, strictement limité au divin: “Mon Royaume n’est pas de ce monde“, “Rends à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu“. Dès les IVème et Vème siècles, la distinction de l’Empereur et du Pape empêcha l’émergence durable du Césaro-Papisme qui est l’exercice du pouvoir religieux par le pouvoir politique et de son contraire la théocratie. Par la suite, à quelques exceptions près dont celle des Etats pontificaux, le pouvoir politique fut l’affaire exclusive des Princes et jusqu’au XIXème siècle, les relations entre Etats et Eglises furent faites d’influences réciproques, de connivences et de rivalités mais jamais leurs pouvoirs et autorités ne se confondirent : aucun roi de France ne fut prêtre et aucun prêtre ne fut roi de France.

A partir du XIXème siècle, les pays européens commencèrent leur marche incertaine vers la démocratie et approfondirent la séparation du politique et du religieux. En France, cette évolution se fit dans un contexte anticlérical hérité des souvenirs de la Révolution et aboutit à la loi de 1905 scellant une rupture totale entre les cultes et l’Etat. La conséquence de l’anticléricalisme fut dans la conscience de beaucoup une désacralisation du sacré, conduisant à une liberté de satire, caricature et moquerie du religieux, qui en France fait désormais partie de l’espace public. La conséquence de la loi de 1905 est que chaque culte dépend de ses propres ressources, l’Etat n’y contribuant pas.

Cette matrice occidentale de séparation des pouvoirs politique et religieux et son évolution ultime en France, sont radicalement contraires à la matrice musulmane qui confond le politique, le militaire et le religieux en une autorité unique. En conséquence, d’un point de vue musulman, la notion même de séparation de ces pouvoirs n’est pas une démarche naturelle. A fortiori, en est-il ainsi de la désacralisation du sacré, phénomène historiquement récent et essentiellement français. Enfin, dépourvu de ressources publiques par l’effet de la loi de 1905, les musulmans cherchent leurs financements hors de France et les trouvent dans des Etats qui n’étant pas des démocraties ne sauraient porter les valeurs de la démocratie.

Sauf à aimer que les musulmans de France aient le choix entre prier dans la rue ou se placer sous la dépendance financière de pays étrangers ne partageant pas nos valeurs, il conviendrait de se demander si parmi les dépenses de l’Etat, le financement des religions accompagné d’un certain contrôle ne serait pas une œuvre salutaire.

 

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