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Le blog de Stephen Monod
20 novembre 2014

De la disparition de l’avocat par étouffement provoqué

Ceux qu’il veut perdre, Jupiter les rend fous.

Ainsi en est-il des avocats qui applaudissent au projet de Monsieur Macron d’autoriser l’entrée de capitaux extérieurs dans les cabinets d’avocats qui de ce fait n’en seront plus, d’autoriser les salariés d’entreprises commerciales de représenter celles-ci en qualité de Nouvel Avocat Salarié en Entreprise c’est-à-dire de NASE et d’ouvrir le champ du droit aux experts comptables.

L’avocat ne plait pas aux pouvoirs quels qu’ils soient car l’avocat est par essence extérieur aux pouvoirs. Il l’est par sa pratique traditionnellement fondée sur l’indépendance c’est-à-dire sur l’absence de lien de subordination, seule garantie que sa parole soit la plus libre possible même si premier accroc au principe, ce lien de subordination a été introduit dans les cabinets eux-mêmes. Il l’est par ses fonctions qui le conduisent à défendre un ou des intérêts particuliers et donc à pouvoir s’opposer à ce que les politiques appellent l’intérêt général et qui n’est que la somme des intérêts particuliers les plus puissants à un moment donné. Il l’est enfin par le principe de l’état de droit, fondement de sa vocation, barrière aux débordements naturels des pouvoirs. En raison de tout cela, ces derniers ont toujours aimé les seuls avocats qui désertant leur profession se mettaient à leur service : déjà Napoléon couvrait d’honneurs les avocats qui entraient dans son administration.

Aujourd’hui les pouvoirs sont multiples, politiques, économiques et administratifs. Le CAC 40 et la haute administration dont les dirigeants sont interchangeables ou presque, n’aiment pas l’exercice indépendant d’une profession indépendante par des professionnels indépendants. Ne pouvant supprimer la profession d’avocat comme le fit en son temps la Révolution Française, l’idée a germé dans les allées du pouvoir, de l’étouffer avec la complicité active de certains de ses membres rendus fous par la griserie d’une prétendue modernité comme Monsieur Jourdain l’était par l’évocation de la Cour ou peut-être malheureusement par l’idée qu’ils se font de leurs propres intérêts.

Pour étouffer une profession, il suffit de la banaliser. Autrefois on devenait avocat au prix d’un examen et de trois années de stage auprès d’un autre avocat puis on l’est devenu au terme d’un examen et d’une année passée au sein de l’école du barreau. Si Monsieur Macron était suivi, n’importe quel investisseur pourrait s’introduire dans un cabinet d’avocats voire le créer et le contrôler, n’importe quel expert comptable pourrait en revêtir les attributs et n’importe quel salarié du commerce et de l’industrie pourrait être l’avocat subordonné de son employeur. Sous ce triple assaut, la profession cesserait d’être indépendante puisque soumise à l’influence de capitaux extérieurs, au contrôle d’autres professionnels et dans le cas du NASE à l’autorité de ceux qui devraient être ses clients.

Quel est l’objet de ce chamboulement ? Certainement pas le souci d’une meilleure justice car on ne voit pas que l’introduction de financiers dans une structure d’avocats puisse en améliorer la qualité ni que le remplacement du lien de conseil à client par celui de subordonné à employeur puisse améliorer la qualité des prestations. La seule finalité de tout cela est d’ouvrir un marché nouveau aux compagnies d’assurances qui vendront la prestation d’avocat avec leur police incendie et de débarrasser administration et CAC40 de cette anomalie que constituent à leur yeux des entrepreneurs indépendants.

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