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Le blog de Stephen Monod
5 juin 2014

Du Pigeon

Il y eut deux moments consternants le dimanche 25 mai 2014 au soir : les résultats du Front National et les commentaires qui les ont accompagnés, les seconds l’emportant en termes d’inquiétude sur les premiers !

Les élites –entendez par là ceux dont essentiellement le talent et un peu la bonne fortune ont mis en position de prendre des décisions dont les effets concernent une partie à tout le moins importante de leurs concitoyens- les élites donc, font immanquablement penser aux pigeons.

Ces derniers sont des animaux remarquables qui s’orientent sur des dizaines de milliers de kilomètres sans se tromper, qui, utilisés pour transporter des messages depuis la France occupée jusqu’au Royaume Uni parvenaient à se défaire des faucons dressés par l’armée allemande.

Aussi brillants qu’ils soient, les pigeons se posant à un endroit et s’y faisant attaquer par un prédateur, s’envolent mais reviennent spontanément quelques instants plus tard ayant déjà oublié le danger qui s’y trouve.

Les élites parlent avec compétence et autorité des crises passées depuis celle de la tulipe en 1637 jusqu’à l’explosion des subprimes, analysant avec brio le présent et prévoyant d’autant mieux l’avenir qu’elles ne seront plus là lorsque celui-ci se réalisera.

Et pourtant tant d’intelligence ne les empêche pas de répéter les mêmes erreurs dès qu’il s’agit du Front National qui à chaque élection grandit jusqu’à occuper toute la scène un peu comme l’Amédée de Ionesco.

Le Parti Socialiste a suffisamment joué les pompiers pyromanes, hurlant au-delà du raisonnable à chaque percée du Front National et se réjouissant en secret de cette même percée au motif qu’elle gênait la droite.

Pour autant, c’est auprès de celle-ci qu’il faut chercher la clef des succès du Front National.

Il est banal de rappeler qu’il n’y a pas une droite mais trois droites puisant leur source à la Révolution Française qui en fut l’élément fondateur.

Les contre-révolutionnaires, de mutation en mutation, sont devenus l’extrême droite, d’abord hostile à la République puis à tout le moins méfiante et en tout cas assez peu attachée aux valeurs de celle-ci.

Le jacobinisme passé au crible du bonapartisme puis du radicalisme et plus récemment du gaullisme s’est transformé en une synthèse de sentiment républicain et d’attachement à la Nation et à l’Etat.

L’orléanisme s’est transformé en centre droit.

La différence historique entre l’extrême droite et la tradition jacobine est que les premiers ont toujours fini par privilégier l’idéologie sur la Nation alors que les seconds ont toujours donné la priorité à la Nation: pour Maurras, la victoire allemande fut une “divine surprise“ en ce qu’elle avait permis Vichy alors que la France Libre fut un florilège de sensibilités politiques différentes.

Jusqu’à la création de l’UMP, les trois composantes de la droite étaient représentées par des partis politiques distincts.

L’extrême droite était au Front National, la tradition jacobine animait le RPR et l’orléanisme fleurissait à l’UDF.

C’est en oubliant l’histoire, que Monsieur Chirac a choisi de fusionner le RPR et l’UDF et de fondre en un seul parti deux mouvements d’inspirations très différentes.

Il en est sorti un double échec en ce que le Front National, d’élection en élection, a fait main basse sur l’électorat naturel du RPR, l’ajoutant à son propre électorat tandis que le centre, insatisfait, a fini par quitter l’UMP pour réinventer l’UDF devenue l’UDI.

Pour se ressaisir, l’UMP ne saurait s’accrocher au centre car ce serait définitivement abandonner au Front National l’électorat historique du RPR et se rendre soluble dans l’extrême-droite.

Il lui faut au contraire réinventer un programme et un discours et pour être crédible, confier cette tâche à des personnes ne trainant derrière elles, ni passé, ni passif.

 

 

 

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