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Le blog de Stephen Monod
10 avril 2014

“Le jeudi de la quinzaine“ (2)

A mi-route

En 1967, à Grenoble, dans une de ces fulgurances dont il avait le secret, Malraux avait dit de la gauche qu’elle n’était “pas à gauche car la gauche est l’immense rêve de la gauche qui se rêve et ne se réalise jamais“.

La formule est un peu absconse mais transposée au bilan de Monsieur Hollande à mi-mandat, elle s’éclaire.

Si une présidence encore inachevée a déçu, c’est que celle-ci a été fondée sur une double méprise.

La première méprise tient à la motivation des électeurs de Monsieur Hollande qui dans leur ensemble n’avaient pas lu le programme de celui-ci et souhaitaient simplement se débarrasser de son prédécesseur et de courir sus à une représentation qu’ils se faisaient des “riches“.

A force de ressembler à une espèce de marsupilami qui aurait gagné au loto, Monsieur Sarkozy avait lassé et avait entraîné dans le rejet qu’il inspirait, cette catégorie sociale qui à défaut de jouer au ballon rond est mal aimée de beaucoup de français.

Ce genre de sentiments permet une élection mais ne garantit pas la qualité d’une gouvernance.

La seconde méprise s’inscrit dans le temps long de l’histoire du parti socialiste dont la matrice intellectuelle était le marxisme et le projet fondateur l’appropriation des moyens de production par la collectivité.

François Mitterrand assuma cette matrice et ce projet en signant en 1972 le Programme Commun de Gouvernement qui prévoyait des nationalisations importantes et pouvait même ressembler à un programme de transition.

Pour autant, c’est ce même François Mitterrand qui a définitivement jeté l’idéologie socialiste aux poubelles de l’Histoire lors de sa réélection de 1988, en refusant toute nouvelle nationalisation alors que le gouvernement de Monsieur Chirac venu aux affaires à la suite des élections législatives de 1986 avait largement privatisé ce qui avait été nationalisé.

A partir de là, le Parti Socialiste vidé de son projet socialiste, a dû se réinventer et comme un fleuve heurtant une digue, s’est séparé en deux cours de plus en plus éloignés l’un de l’autre et séduisant respectivement des électeurs très différents.

La gauche que les commentateurs appellent de gouvernement se propose de présider à l’économie de marché en veillant au bonheur des démunis.

Une gauche plus radicalisée a remplacé la classe ouvrière par tout ce qu’elle a pu identifier de minorités visibles ou invisibles et a troqué l’ambition du Grand Soir par celle d’un bouleversement des mœurs et usages de la famille bourgeoise.

Ce sont ces deux courants qui cohabitent à la tête de l’Etat et dont François Hollande, spécialiste en la matière, a cru pouvoir faire la synthèse : relever les prélèvements obligatoires devait à la fois participer du redressement des finances publiques et de la sanction des “riches“ tandis que le mariage pour tous devait illustrer l’intérêt porté aux minorités.

La synthèse a échoué parce que la sensibilité des électeurs ne recoupe pas celle de la rue de Solférino.

Le mariage pour tous a durablement éloigné du pouvoir une part non négligeable des électeurs de François Hollande alors que s’agissant d’une réforme de société, un référendum et son résultat auraient été acceptés : les résultats des élections municipales à Niort et à Bobigny sont à cet égard significatifs.

L’augmentation des prélèvements obligatoires frappe très au-delà des prétendus privilégiés sans résultat probant sur l’économie.

Le chômage continue de croître et l’activité d’être atone.

Soit le pouvoir opte pour une politique conforme aux nécessités de l’économie et à la sensibilité des citoyens, soit il pousse à la quête d’une synthèse impossible entre les deux courants de sa majorité et outre qu’il sera emporté à la prochaine élection présidentielle, le pays aura encore perdu deux années.

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